LES FAITS, RIEN QUE LES FAITS
De ce qu'a fait Ranucci du dimanche 2 juin jusqu'à la matinée du 3 juin, on ne sait pas
grand chose, hormi ce qu'a raconté Ranucci lui-même.
On a bien le témoignage d'un certain Moussy, qui aurait été témoin d'un léger
accrochage de Chistian Ranucci (à cause d'un chien), le dimanche soir. Cela prouve qu'il
était bien à Marseille le dimanche soir. Probablement y-a-t-il passé toute la nuit. Qu'a-t-il
fait durant cette nuit ? mystère et boules de gommes... Selon ses dires, il se serait pris
une " sacrée cuite ".
On ne connaît pas non plus les raisons exactes de son voyage à Marseille. La soi disant
visite à son ancien camarade de régiment ne tient pas au vu de l'audition de celui-ci. Il
paraît plus probable qu'il souhaitait rencontrer son père qui habitait dans la région
d'Allauch. Certains témoins l'auraient vu aux alentours, et même sonner à la porte de
son père, sans succés. Il n'aurait rien dit, car il ne voulait probablement pas que sa mère
soit au courant.
Mais était-ce le seul motif ?
Voilà pour les évènements antérieurs à l'enlèvement. On ne peut guère en dire plus.
LE 3 juin 1974 : l'enlèvement.
L'heure de l'enlèvement varie selon les sources (parents, voisins, journalistes,
témoins...), mais elle se situe la plupart du temps aux alentours de 11h / 11h15. Nous
dirons donc vers 11 heures.
Vers 11h, Marie-Dolorès, 8 ans, et son frère Jean jouent à la cité Saint-agnès, en bas de
l'impasse d'albe, devant le bâtiment où il y a trois garages. Un homme en voiture est
arrivé, et s'est arrêté devant l'un des trois garages. Il a dit aux enfants qu'il cherchait
son chien noir, et leur a demandé de l'aider à le chercher. Le petit Jean est parti faire le
tour du bâtiment et l'individu est resté seul avec la petite fille.
A quelques mètres de là, Eugène Spinelli sort de son garage (il est garagiste-carrossier).
"je me souviens bien de l'heure (ndlr : 10h 50) car je me rendais chez ma mère. J'ai
aperçu au bas de la traverse Albe une voiture de marque Simca 1100 de couleur gris
clair. Une fillette prenait place côté passager avant, tandis qu'un homme âgé d'une
trentaine d'années prenait place au volant du véhicule... Cet homme correspond au
signalement suivant: il pouvait mesurer 1m80 environ. Il était de corpulence mince et
avait des cheveux châtain clair. Ces derniers ne lui couvraient pas le haut des oreilles.
Le visage de cet homme était plutôt de forme allongée. Il ne portait pas de moustache, de
barbe ou de favoris. Il était vêtu d'une veste claire et d'un pantalon de couleur foncée
(tout au moins plus foncée que la veste).... J'ai vu cet homme de 40 à 50 mètres
environ... Je tiens à préciser que la fillette est montée d'elle-même dans le véhicule
alors que l'homme lui parlait et lui souriait." Il ajoutera, plus tard: "je n'ai vu que l'arrière
du véhicule, très précisément j'ai vu cette voiture par trois quarts arrière".
Après être revenu à l'endroit où il jouait avec sa sœur, Jean ne voit plus personne, ni
l'homme, ni sa sœur. Il déclare aux policiers :
" Je jouais avec ma soeur aînée devant les bâtiments de la résidence où nous habitons.
Nous nous amusions devant le premier bat. de la cité, là, où il y a 3 garages. Nous
étions seuls. 2 amis de ma soeur, qui habitent la cité, venaient de nous quitter pour partir
avec leurs parents.
Un homme en voiture est arrivé. Il a garé son auto devant un des garages. Il est
descendu et nous a parlé. Il m'a d'abord demandé de chercher son gros chien noir, qu'il
venait de perdre. Il a demandé à ma soeur de rester auprès de lui. Je suis parti derrière
le bat. et j'ai fait le tour de la cité pour chercher le gros chien noir.
Je ne l'ai pas trouvé et suis revenu à l'endroit où ma soeur et le monsieur m'attendaient.
Il n'y avait plus personne et la voiture était partie.... Le monsieur avait une voiture grise.
C'était un homme jeune, pas un vieux. Il avait un costume gris. Il parlait comme les gens
d'ici. Il était grand et il avait des cheveux noirs et courts..."
Voilà les faits pour l'enlèvement. Nous avons donc deux témoins : Jean Rambla et
Eugène Spinelli.
D'après ces témoignages, on peut établir le portrait robot suivant :
C'est un homme jeune, brun (cheveux chatains clairs (Eugène Spinelli) ou noirs (Jean
Rambla), courts). Il est plutôt grand, mince. Pas de barbes, moustaches ou favoris. Il était
vêtu d'un costume gris clair (veste claire, pantalons plus foncés). Il parlait " comme les
gens d'ici ". Enfin, il possédait une simca 1100 grise.
Les témoins ne précisent pas (du moins à ce moment) si l'individu portait des lunettes.
Vers 11h10, le père de Jean et Marie-Dolorès Rambla remarque son petit jean qui erre
seul dans la cité. Le petit lui dit qu'il ne trouve plus sa sœur, et qu'elle est parti avec le
monsieur pour chercher le chien. Le père, Pierre Rambla, se met à la chercher à son tour,
sans succés.
Le 3 juin 1974 : Carrefour La pomme
Entre 12h15 et 12h30, Au carrefour " La pomme ", Vincent Martinez roule sur la RN96, en
direction de Toulon, quand une peugeot 304 coupé grise, venant de Marseille sur la N8
bis (aujourd'hui D908) grille le stop au carrefou : c'est l'accident. Le choc est violent. La
304 peugeot fait un tête à queue, et repart sur la N8 bis, en direction de Marseille, d'où il
venait.
Quelques instants après, un autre automobiliste arrive au carrefour : c'est M. Alain
AUBERT, accompagné de son épouse.
M. Martinez demande à celui-ci de suivre la 304 pour relever son numéro
d'immatriculation. Aubert accepte et se met en chasse de la 304. Quelques minutes plus
tard, M. Aubert revient au carrefour, et indique le numéro d'immatriculation de la 304 à M.
Martinez : 1369 SG 06 .
M. Martinez déclare à 13h15 à la gendarmerie de Gréasque, où il porte plainte :
"Le conducteur paraissait seul à bord. Quelques minutes après est arrivé un autre
automobiliste venant également d'Aix-en-Provence, qui s'est arrêté et auquel j'ai indiqué
ce qui s'était passé. Il a immédiatement pris la direction de Marseille, et il est revenu, 5
minutes après environ, en me donnant le n° du véhicule 304 peugeot, n°1369 SG 06, qu'il
avait vu arrêté à un kilomètre environ du carrefour"... "Je n'ai pas vu le véhicule signalé
par M. Aubert".
Vers 17 heures à 1k400 du carrefour La pomme (champignonière de guazzone).
Un jeune proprement vêtu, l'air calme, se présente chez l'un des salariés de la
champignonière (Monsieur Mohamed Rahou). Sa voiture, la 304, s'est embourbée dans
l'une des galeries. Avec M. Rahou, et son contremaître, M. Guazzone, ils arriveront à
sortir la voiture, mais il faudra tout de même l'aide d'un tracteur.
Vers 18 heures, le jeune homme quitte les lieux, en remerciant chaleureusement M.
Rahou et son épouse. Il prend la direction de Nice, où il arrive vers 21 heures : ce jeune
homme, c'est Christian Ranucci.
Ce 3 juin, il ne se passe pas grand chose d'autre, hormi la déclaration de disparition de
la petite Marie-Dolorès à la police par son père, M. Pierre Rambla : à l'évêché de
Marseille, vers 13 heures.
Le 4 juin 1974
La presse annonce l'enlèvement de la petite Marie-Dolorès. Apprenant la nouvelle, M.
Guazzone téléphone à la gendarmerie pour raconter ce qu'il a vu la veille : le jeune
homme embourbé avec sa voiture dans la champignonière. Mais on lui répondra
séchement qu'on cherche une simca et pas une peugeot.
Les recherches pour retrouver Marie-Dolorès s'intensifient sur Marseille et les environs.
A 15h10, M. Aubert téléphone à la gendarmerie de Roquevaire pour expliquer lui aussi ce
qu'il vu : vers 12h30, la veille, il a poursuivi un chauffard en fuite après un accident au
carrefour La pomme, et que ce dernier, en bordure de la N8 bis, s'est enfui dans les bois
en transportant un " paquet assez volumineux ". La voiture était immatriculée 1369 SG
06 .
Le 5 juin 1974
M. Aubert rappelle la gendarmerie de Gréasque pour apporter des précisions sur ce qu'il
a vu le 3 juin :
A environ 1 km du carrefour La pomme, il apercevait à environ 100 mètres le véhicule
gris arrêté en bordure de la route, tandis qu'un homme jeune gravissait le remblai et
s'enfonçait dans les fourrés en tirant un paquet volumineux. L'homme était vêtu d'un
pantalon foncé et d'une chemise ou un vêtement de couleur claire.
Ce même jour, M. Martinez rappelle la gendarmerie de Gréasque et d'après lui, un enfant
aurait pu se trouver à bord du véhicule tamponneur.
Alain Aubert est alors contacté par la gendarmerie et raconte à peu près la même chose
que précédemment : il parle d'un jeune homme qui s'enfonçait dans les fourrés en "
tirant un paquet assez volumineux ". Il rajoute qu'il a interpelé le conducteur, lui
demandant de revenir, mais il n'a obtenu aucune réponse. Il est revenu alors au
carrefour La pomme.
Les époux Aubert se mettent alors en contact avec le commissaire Alessandra : c'est à
ce moment-là qu'ils commencent à parler d'un enfant.
14h05 : Les gendarmes commencent une opération de ratissage dans la zone décrite par
les Aubert.
A 15 h 15, le propriétaire du véhicule immatriculé 1369 SG 06 est identifié : il s'agit de
Christian Ranucci.
A 15h20, on découvre un pull-over rouge dans la galerie où s'était embourbé le coupé
Peugeot.
A 15h35, un message radio est envoyé à Nice, enjoingnant les services de police de
procéder à l'audition de Christian Ranucci.
(Je mets ceci entre parenthèses, car il existe deux versions des faits :
Selon certains, le pull-over rouge aurait été donné à flairer à un chien policier. Selon
d'autres, c'est uniquement les traces de pneus du véhicule peugeot que le chien aurait
reniflé. Il convient tout de même de mentionner ce détail, car il est source d'une
polémique importante, sur ce qui est devenu une affaire dans l'affaire : celle du "
Pull-over rouge ", ou mieux dit, de l'homme au pull-over rouge).
A 15h45, c'est bien un gendarme, et non le chien policier, qui découvre un corps
dissimulé dans un buisson : c'est celui de la petite Marie-Dolorés.
A 16h20, le maître-chien arrive sur les lieux de la découverte du corps. Il a suivi la piste
avec son chien depuis la champignonière, et dépasse de 30 mètres le buisson.
A 16h30, les policiers sonnent chez madame Mathon, la mère de Christian Ranucci. Vers
18 heures, Christian Ranucci arrive chez lui et est immédiatement conduit à la brigade de
gendarmerie de Nice-ouest, pour y être interrogé à partir de 19 heures dans le cadre
d'une enquête pour délit de fuite.
A l'arrivée du commissaire Alessandra, les choses se précisent. Extrait du P.V. du 5 juin
à 22 heures :
"Agissant en vertu de la commission rogatoire en date du 4 juin 1974, de Mlle Ilda Di
Marino, Premier Juge d'Instruction au Tribunal de Grande Instance de Marseille, relative
à l'information suivie contre X..., pour enlèvement de mineure de moins de quinze ans,
Vu l'article 18 alinéa 5 du Code de Procédure Pénale, assisté du Sous-Brigadier Ott, du
service,
Nous transportons au commissariat central de Nice, où nous sommes accueillis par
Monsieur Chatelain, Commissaire Principal, chef de la Sûreté Urbaine de Nice, et du
lieutenant de Gendarmerie Darmangeat Hubert, de la Compagnie de Gendarmerie de
Nice,
Où étant, acomplissons la mission qui nous est impartie, à savoir la prise en charge du
nommé Ranucci Christian qu'il nous appartient de placer en état d'arrestation et de
conduire dans les locaux de l'Hôtel de Police de Marseille.
Disons que Monsieur le Procureur de la République à Nice, a été téléphoniquement
informé de notre démarche.
Avons quitté en conséquence le commissariat central de Nice, à 23 heures, en
compagnie du nommé Ranucci Christian.
Mentionnons que pour les nécessités de l'enquête, il nous appartient de procéder à la
saisie du véhicule 304 Peugeot de couleur gris métallisé immatriculé 1369SG06. Ce
véhicule se trouve garé dans le garage collectif de l'immeuble occupé par Ranucci
Christian, à savoir les Floralies, Bt F, à Nice.
En la présence constante du sus-nommé, procédons à une fouille minutieuse du véhicule
qui nous permet de découvrir et de saisir les objets ci-après dénommés:
un couteau de marque Opinel Virobloc n°8,
quatre lanières de cuir d'une longueur d'un mètre entrelacés à une extrémité et portant
un élastique,
une paire de jumelles dans son étui...,
un trousseau de clés en cuir avec quatre clés...,
un pantalon d'homme de couleur sombre,
un tuyau en plastique de longueur 1,60m,
une paire de lunettes de soleil,
un parapluie homme,
une carabine à air comprimé de marque Dyane modèle 25, dans une robe de bain de
couleur bleue à bandes blanches,
une seringue hypodermique en plastique usagée,
une boîte de balle à air comprimé RWC calibre 45mm,
une bouteille d'alcool dans un étui portant l'inscription My Drink,
2 cheveux.
Disons saisir ces objets.
Mentionnons que les deux cheveux seront déposés au laboratoire interrégional de police
scientifique de Marseille pour examen.
Mentionnons que nous conduisons le véhicule 304 Peugeot, propriété du nommé
Ranucci Christian, à l'Hôtel de Police de Marseille, pour les nécessités de l'enquête, et
regagnons le service.
Dont acte, que le nommé Ranucci Christian signe avec nous et notre assistant après
lecture faite. "
Dans la nuit, Christian Ranucci sera transféré à l'hôtel de police de Marseille, où sa
garde à vue continue.
Le 6 juin 1974
La garde à vue de Christian Ranucci se poursuit à Marseille. P.V. d'audition du 6 juin à
1h30 :
"De même suite, pour les nécessités de l'exécution de la Commission Rogatoire,
notifions à l'intéressé qu'il est placé sous le régime de la garde à vue à compter de ce
jour à 18 heures, ou plus exactement à compter du 5 juin à 18 heures. "
Dans un premier temps, Christian Ranucci nie toute implication dans l'enlèvement et le
meurtre de Marie-Dolorès. Extrait de déclarations de Christian Ranucci à 1h30 :
"Vous me précisez que deux témoins ont affirmé m'avoir vu par la suite sortir de mon
véhicule avec une enfant. Je vous affirme que j'étais seul à bord de mon véhicule. Je
n'ai même pas remarqué que j'étais poursuivi par une voiture. "
Il raconte ensuite ses journées du 2 et 3 juin 1974 : le 2 juin à 14 heures, il quitte son
domicile, et se rend dans la région de Draguignan. Il arrive à Salernes en fin
d'après-midi, passe la soirée là-bas, puis reste toute la nuit dans sa voiture. Le 3 juin, il
se réveille vers 9 heures, et prend la direction d'Aix-en-Provence.
Avant d'arriver à Aix, il fait demi-tour pour rentrer à Nice par les routes secondaires. C'est
ainsi que se trouvant à Peypin, il a eu cet accident. Il reconnaît que le pantalon de
couleur bleue qui se trouvait dans sa voiture est bien celui qu'il portait le jour de
l'accident, mais il ne s'explique pas les tâches de sang qui se trouvent sur les poches. Il
pense qu'il s'agit plutôt de tâches de terre. Par contre, il n'a jamais porté de pull-over
rouge.
A 2h30, on lui fait signer son premier P.V. d'audition (résumé du contenu ci-dessus).
Mathieu Fratacci, un policier présent lors de la garde à vue, raconte ainsi la suite (" Qui a
tué Christian Ranucci "):
"Christian Ranucci se repose jusqu'à 8h30, puis l'interrogatoire reprend à 9h. 2 équipes
se relaient, et toute la matinée se passe entre auditions, confrontations, examens
médicaux et temps de repos. La juge d'instruction vient interrompre la séance, ainsi que
les médecins qui examinent Christian Ranucci et trouvent son état normal. "
A midi, Christian Ranucci va déjeuner et il remonte vers 13 heures.
Monsieur Fratacci indique : " les auditions reprennent à 14 heures. C'est au cours de
cette seconde partie que nous le présentons une nouvelle fois aux époux Aubert. Cette
seconde confrontation a raison de sa résistance. Il craque. Il est 16 heures. "
Donc, d'après Fratacci, Christian Ranucci a été confronté aux époux Aubert deux fois.
Les circonstances de cette confrontation sont un peu floues et sujet à polémiques.
Les époux Aubert arrivent à 12 heures à l'évêché. D'après certains témoins, Christian
Ranucci est d'abord présenté aux époux Aubert au milieu de policiers, mais ils ne le
reconnaissent pas. Puis, à 13 heures, le commissaire Alessandra décide (ce sont
toujours les témoins de cela, journalistes entre autres, qui l'affirment), de présenter
Christian Ranucci seul aux époux Aubert, qui le reconnaissent enfin. D'autres affirment
qu'il n'a été présenté qu'une fois aux époux Aubert, qui l'ont reconnu tout de suite (mais
cf les déclarations de Fratacci ci-dessus). Il n'est fait aucune mention que d'autres
témoins l'aient reconnu (témoins de l'enlèvement notamment : Jean Rambla ne l'a pas
reconnu, ni lui ni sa voiture).
Dans tous les cas, les époux Aubert déclareront ceci au commissaire Alessandra et à
l'inspecteur Porte :
P.V. complet de l'audition des époux Aubert, signés par eux.
Monsieur Aubert :
"La personne que vous me présentez et que vous me dites se nommer Ranucci Christian
est bien celle qui était à bord du coupé peugeot 304, de couleur gris métallisé, au
moment où l'accident s'est produit à proximité de Peypin le 3 juin 1974 vers 12h15. Il n'y
a aucun doute à ce sujet... J'ai constaté qu'aussitôt après l'accident, la peugeot 304
prenait la fuite au lieu de s'arrêter. Ma femme et moi avons été outrés de ce
comportement et avons aussitôt décidé de prendre en chasse le vehicule qui s'enfuyait.
La poursuite a été assez mouvementée car le conducteur s'est certainement aperçu qu'il
était poursuivi; il roulait donc très vite dans cette route tortueuse.
Après avoir parcouru une distance de 1 à 2 km, la 304 peugeot s'est immobilisée au bord
de la route. A ce moment, je me trouvais à environ 2 ou 300 m de lui. Je l'ai rejoint
quelques secondes plus tard. Au moment où je suis arrivé à la hauteur de la voiture, j'ai
assisté à la scène suivante. J'ai vu cet individu tirer par le bras un enfant qui se trouvait
à l'intérieur du véhicule. Je me souviens notamment que cet enfant portait un short ou
une culotte de couleur blanche. En revanche, je dois vous dire que les faits se sont
déroulés si rapidement que je n'ai pas réalisé dans ce mouvement s'il s'agissait d'un
garçon ou d'une fille. L'individu a tiré l'enfant par le bras, l'a tiré dans les broussailles
qui bordaient la route. A partir de ce moment, je n'ai plus vu l'individu ni l'enfant qui
avaient disparu dans les broussailles.
En ce qui me concerne, j'ai effectué une cinquantaine de mètres à bord de ma voiture, j'ai
fait demi-tour et je me suis arrêté à nouveau à la hauteur de la 304 Peugeot. Je suis
descendu de voiture et j'ai entendu des bruits de branchages provenant de la direction
où l'individu s'était enfui. Bien que je ne le voyais pas à cet instant, car il m'était caché,
j'ai crié à haute voix à son intention: "Monsieur, revenez, vous n'avez qu'un accident
matériel, n'aggravez pas votre cas en prenant la fuite." Cet individu m'a alors répondu
les paroles suivantes: "D'accord, partez, je reviendrai." Comprenant bien que cet
individu n'avait aucunement l'intention de revenir, j'ai relevé le n° d'immatriculation de
sa voiture et je suis remonté à bord de mon propre véhicule afin de communiquer ce
numéro minéralogique à la personne qui avait eu l'accident de la circulation et qui était
restée sur les lieux (du moins, je le supposais). J'ai effectivement retrouvé le couple qui
se trouvait à bord du véhicule accidenté et je leur ai communiqué le n° d'immatriculation
de la Peugeot 304. Ma femme n'est descendue de voiture à aucun moment....
Je suis absolument catégorique et formel: l'individu qui s'est enfui dans les collines a
bien entraîné avec lui un enfant. Je ne puis vous préciser quel pouvait être l'âge de cet
enfant; je puis cependant préciser qu'il s'agissait d'un enfant qui marchait. S'il fallait
vraiment donner un âge à cet enfant, j'évaluerais celui-ci entre sept et dix ans."
Madame Aubert confirme les déclarations de son mari, et précise :
"Lorsque nous sommes arrivés à hauteur de l'un des véhicules accidentés, son
chauffeur a immédiatement demandé à mon mari de prendre en chasse le second
véhicule, en fuite. Mon époux s'est exécuté et nous avions en point de mire un véhicule
de couleur grise qui roulait à grande vitesse et nous précédait de 2 ou 3 virages.
Nous avons parcouru environ 1 km et, à la sortie d'un virage, nous nous sommes
aperçus que la voiture s'était arrêtée et, arrivés à sa hauteur, sans descendre de notre
véhicule, j'ai constaté qu'un homme avait ouvert la portière droite et tirait un enfant par le
bras. J'avais la vitre baissée. L'enfant était plaqué contre l'homme et je n'ai pu voir s'il
s'agissait d'une fille ou d'un garçon. J'ai seulement entendu l'enfant déclarer: "Qu'est-ce
qu'on fait?" D'après l'intonation de la voix, je ne pensais pas que l'enfant avait peur. A
ce moment-là et très rapidement, l'homme a disparu dans les buissons avec l'enfant.
Puis mon mari a fait demi-tour, il s'est arrêté à nouveau devant le véhicule, a relevé le
numéro et a crié par la portière à l'adresse du chauffeur qui avait disparu: "Reviens, ne
fais pas l'imbécile, il ne s'agit que d'un dégât matériel." Je n'ai pas entendu ce que
l'homme a répondu, mais mon mari m'a fait savoir que l'individu lui avait dit: " Filez, je
viens". Nous sommes retournés sur les lieux de l'accident et nous avons aidé l'autre
partie en cause à remettre le véhicule accidenté sur le bas-côté de la route.
Je précise que le véhicule que nous avons pris en chasse était une 304 Peugeot, gris
métal, type coupé, dont le numéro est le suivant: 1369 SG 06. Mon mari a laissé son
identité et son adresse à Mr Martinez pour un éventuel témoignage.
Je précise qu'au cours de l'échange d'identité, j'ai appris que la personne accidentée
s'appelait Martinez. Nous sommes partis en direction de Roquevaire et avons tenté en
vain d'alerter la brigade de gendarmerie locale.....
La voix de l'enfant, que j'ai pu entendre à travers la portière, vitre baissée, est celle d'un
gosse de six à huit ans. Cette voix m'a paru très fluette." "...En fait, après réflexion, je
pense que mon mari est descendu du véhicule, très peu de temps, pour demander à
l'individu de revenir."
Comme l'indique Fratacci, après la confrontation avec les Aubert, Christian Ranucci
craque et passe aux aveux.
P.V. d'audition contenant ses aveux :
" Procès-verbal:
J'avais garé mon véhicule l'arrière face à l'immeuble. Je suis parti devant moi et je me
suis éloigné du centre ville. Après avoir traversé la banlieue, j'ai emprunté une petite
route en virages, elle montait. Après avoir roulé une dizaine de kilomètres au plus sur
cette route, j'ai arrêté la voiture sur un espace situé à droite de la route. L'endroit ne m'a
pas paru très vaste. Je me souviens également avoir traversé une petite agglomération.
Quand nous nous sommes arrêtés, la petite est descendue de la voiture et s'est assise
au bord de la route. J'ai allumé une cigarette et nous avons parlé. Pendant le voyage,
nous avons parlé; je lui ai posé diverses questions sur ses conditions de vie. Quand elle
a vu que nous nous éloignions de la maison, la petite a dit: "qu'il était l'heure du repas".
Je l'ai rassurée en lui disant que j'allais la ramener chez elle. Nous ne nous sommes
arrêtés que quelques minutes à l'endroit indiqué. Quand nous sommes repartis, la petite
est montée à l'avant. C'est elle-même qui l'avait demandé. A partir de ce moment, nous
avons dû rouler encore une dizaine de kilomètres.
A un moment, je suis arrivé à un "stop" et la route débouchait sur une autre, plus
importante. C'est à cet endroit qu'a eu lieu l'accident. J'ai démarré en seconde vitesse
sans voir arriver un véhicule sur ma gauche. J'ai été atteint à la portière gauche, j'ai
senti que mon véhicule était déporté. Je ne sais pas trop bien dans quelle direction je
suis reparti. J'ai senti une forte odeur de brûlé et j'ai compris que je ne pourrais rouler
très longtemps dans ces conditions; le pneu qui frottait contre l'aile faisait "un bruit
d'enfer".
J'étais affolé et je ne me rendais pas compte que quelqu'un me suivait. Je me suis enfui
pour deux raisons: d'abord parce que l'on pouvait penser que j'avais brûlé le "stop" et
ensuite à cause de la présence de la petite fille dans ma voiture. J'ai roulé quelques
centaines de mètres environ, puis je me suis arrêté. J'ai garé la voiture sur le bord de la
route. Ma portière s'étant bloquée à la suite de l'accident, j'ai ouvert la portière côté
passager. J'ai laissé descendre le petite fille et je l'ai suivie. Je ne me souviens pas que
la petite ait eu peur des suites de l'accident et elle n'a pas manifesté le désir de
retourner chez elle.
La petite fille a sauté un caniveau; j'ai également sauté ce caniveau; j'ai pris la main de
la petite fille et nous avons parcouru ensemble une courte distance et nous nous
sommes retrouvés en haut du talus. Je vous précise que j'ai dû aider la petite à grimper
le talus. J'ai dû la tirer par la main."
- Pourquoi l'avoir tirée par la main?
Pour l'aider à monter le talus. La petite n'a pas manifesté de signes d'inquiétude, je
l'affirme. Arrivés sur le talus, l'enfant s'est mise à crier, elle ne voulait plus me suivre,
elle devait être effrayée suite à l'accident.
Je l'ai empêchée de crier en lui serrant le cou avec ma main gauche. L'enfant se
débattait. Je vous précise que tout est confus dans ma mémoire parce que les choses se
sont passées très vite. J'ai pris un couteau automatique qui se trouvait dans la poche de
mon pantalon, j'ai ouvert ce couteau en appuyant sur le bouton et j'ai frappé la petite à
plusieurs reprises. A partir de cet instant, je n'ai plus rien vu et je ne savais plu ce que je
faisais. Je ne me souviens pas de ce que j'ai fait du corps, je ne sais pas si je l'ai
traînée par terre. Je ne souviens cependant que j'ai arraché des branches, plus
précisément des épineux, avec lesquelles j'ai recouvert le corps. Je garde encore sur
mes mains les traces de piqûres et de coupures des épines et je vous les montre.
Je suis retourné sur la route après avoir remis le couteau dans ma poche si mes
souvenirs sont exacts. Je me suis remis au volant de ma voiture et, après un parcours,
je me suis engagé dans la piste qui donne accès à la galerie. Le long de cette piste se
trouve une espèce de place où est étalée de la tourbe. C'est à cet endroit que je me suis
débarrassé du couteau. Je l'ai jeté à terre et j'ai donné un coup de pied dedans.
J'ai déjà expliqué dans ma précédente déclaration la façon dont je suis sorti de la
champignonnière.
Vous me présentez un pull de couleur rouge qui a été saisi par les gendarmes de
Gréasque. Ce vêtement n'est pas ma propriété. Je ne l'ai jamais vu.
Je vous affirme que je n'ai pas violé cette enfant ni procédé à des attouchements
impudiques."
- Pourquoi l'avoir enlévée?
Je ne sais pas. Je voulais l'emmener promener.
- Pourquoi ne pas l'avoir ramenée avant, quand elle l'a demandé?
Je comptais le faire. Tout s'est troublé dans mon esprit à partir de l'accident. Je suis
incapable de vous en dire davantage.
Lecture faite par lui-même, persiste et signe avec nous à dix-sept heures.
FIN DE LA GARDE A VUE:
Disons que nous mettons fin à la garde à vue du sus nommé, qui sera déféré le 6 juin
1974 à dix huit heures devant M. le juge mandant.
Mention lue par l'intéressé qui signe avec nous.
ANNEXONS AU PRESENT: un plan des lieux, dressé par le mis en cause et signé de sa
main."
Ce P.V. d'audition est signé à 17 heures. Puis, Ranucci est déféré au juge d'instruction à
18 heures, à qui il fera la déclaration suivante :
"Je consens à m'expliquer sans l'assistance d'un conseil.
Je reconnais m'être rendu à Marseille le lundi de Pentecôte, c'est-à-dire le 3 juin 1974.
Je reconnais avoir enlevé une fillette qui devait être âgée au maximum de huit ans. Je
reconnais avoir au cours de la même matinée égorgé cette fillette un peu plus tard dans
la matinée à coups de couteau. Je l'ai égorgée avec un couteau automatique que j'avais
dans ma poche. Ce couteau, je m'en suis débarrassé après les faits à l'entrée de la
galerie où je me suis embourbé.
En ce qui me concerne, je n'ai saigné à aucun moment au cours de la journée du 3 juin.
Je me suis seulement égratigné ainsi que vous pouvez le constater et que vous l'avez
déjà constaté au cours du contrôle de garde à vue. Ces égratignures proviennent des
ronces qui se trouvaient à l'endroit où j'ai égorgé l'enfant et des ronces qui se trouvaient
non loin de la galerie où je me suis embourbé.
Sans pouvoir être formel, je pense donc que, si une tache de sang a été découverte sur
le pantalon trouvé dans ma voiture par les policiers, je pense qu'il s'agit de sang
provenant de la fillette. Avant que l'enfant ne soit égorgée, mon pantalon était propre, il
n'y avait aucune tache.
J'ajoute que je suis bien propriétaire de la Peugeot 304 grise qui a été découverte à mon
domicile à Nice, que c'est à bord de cette voiture que j'avais emmené la fillette et que
c'est avec cette voiture que j'ai causé un accident qui a immédiatement précédé le
moment où j'ai égorgé la fillette. Je viens de résumer l'essentiel des faits; je consens
maintenant à donner des détails supplémentaires.
Je maintiens intégralement la déclaration que j'ai faite en dernier lieu aujourd'hui 6 juin
1974 dans les services de police et dont vous venez de me donner intégralement
lecture.
J'ai quitté Nice le dimanche 2 juin avec l'intention de me promener pour le week-end
sans but bien défini. Je me suis rendu à Draguignan et j'ai passé la nuit de dimanche à
lundi dans la voiture un peu plus loin de Draguignan près de Salernes dans le Var. En
me réveillant, peut-être vers 9 heures du matin, l'idée m'est venue de poursuivre ma
route jusqu'à Marseille où je savais que se trouvait un de mes camarades connu à
l'armée. Plus exactement, je rectifie, l'idée m'est venue d'aller à Marseille sans but
précis et c'est en arrivant dans cette ville que j'ai pensé à mon camarade Benvenuti et
que j'ai voulu aller lui dire bonjour.
Comme je ne connais pas la ville de Marseille, j'ai garé mon véhicule dans une rue dont
je n'ai pas relevé le nom, je n'ai pas trop insisté pour retrouver mon camarade et,
apercevant deux enfants, un garçon et une fillette jouant sur un trottoir, je me suis
approché d'eux. La petite fille portait une chemisette, et un short dont j'ai oublié la
couleur.
J'ai abordé les enfants, je leur ai parlé, ils m'ont dit qu'ils s'amusaient. L'idée m'est
venue d'emmener la petite fille promener et pour me débarrasser du petit garçon, ou plus
précisément. pour ne pas l'emmener lui, car, je considère le mot "débarrasser" trop fort,
j'ai invité le petit garçon à rechercher un animal que je prétendais avoir perdu.
Resté seul avec la petite fille, j'ai invité la petite fille à venir se promener à bord de ma
voiture après avoir bavardé avec elle un petit moment. Elle m'a suivi sans difficulté. Je
ne peux pas expliquer pour quelle raison j'ai préféré emmener la petite fille plutôt que le
petit garçon mais j'affirme qu'en agissant de la sorte je n'avais pas de mauvaises
intentions à l'égard de la fillette.
Je répète que je ne connais pas le nom de la rue où jouaient les enfants mais j'ai fait un
plan des lieux où jouaient les enfants au cours de mon audition devant les services de
police. Il s'agit bien du plan que vous me montrez et que j'ai signé.
J'ai rabattu le siège avant de ma voiture pour faire monter la petite fille à l'arrière du
véhicule et j'ai démarré dans la direction opposée au centre-ville. J'ai quitté la ville de
Marseille sans pouvoir vous dire quelle direction j'ai exactement suivie. Il est évident
que je me suis dirigé vers le lieu où l'accident a été constaté par des témoins. Accident
sur lequel je vais m'expliquer par la suite.
A un moment donné, je me suis arrêté sur le bord de la route pour fumer une cigarette et
j'ai bavardé de choses et d'autres avec la petite fille, lui demandant par exemple si elle
allait à l'école. Je ne saurais préciser le nom de l'endroit où je me suis arrêté, je le
reconnaîtrais peut-être si j'y retournais. La petite fille ne manifestait aucune crainte à
mon égard et je réaffirme que pas plus à ce moment qu'à un autre, je n'ai exercé de
violences à caractère sexuel sur la fillette.
Au bout d'un moment, nous sommes remontés en voiture et la petite fille a dit qu elle
avait faim, qu'elle voulait retourner chez elle. Je lui ai dit que j'étais d'accord pour la
ramener, que j'allais faire demi-tour mais je n'ai pas pu mettre mes intentions à
exécution car c'est à ce moment-là que je suis arrivé à un stop à un endroit où la route
débouche sur une autre plus importante et que j'ai accroché un autre véhicule.
En effet, j'avais démarré en seconde vitesse et je n'avais pas vu arriver un véhicule sur
ma gauche. J'ai senti le choc, j'ai poursuivi ma route appuyant sur l'accélérateur. J'ai
ainsi pris la fuite parce que je venais de causer un accident et que j'estimais que cela
me coûterait de l'argent, l'idée ne m'étant pas venue qu'on pourrait relever mon numéro
d'immatriculation sur le moment. J'ai également pris la fuite parce que j'avais la petite
fille à bord de mon véhicule et je craignais que l'on pense à mal si on la trouvait dans
ma voiture alors que je l'avais emmenée sans demander aucune autorisatîon à ses
parents. Je réaffirme que, en emmenant l'enfant, je n'avais pas de mauvaises intentions,
bien que je n'aie pas cru devoir demander aux parents de l'enfant l'autorisation
d'emmener celle-ci et bien que j'aie au préalable écarté le petit garçon.
Pensant que l'on pouvait me poursuivre, j'ai quitté mon véhicule en bordure de la route.
A ce moment-là, la fillette, qui après le premier arrêt sur la route était passée sur le siège
avant, est sortie par la portière droite de mon véhicule. Je suis également sorti par cette
portière. J'affirme que la petite fille m'a suivi sans rien dire.
Je l'ai tirée par la main et je lui ai fait sauter une sorte de caniveau se trouvant à cet
endroit. J'ai sauté après elle et je l'ai tirée par le bras en haut du talus bordant la route. A
un moment donné, la petite fille n'a plus voulu avancer. Elle s'est mise à crier. Je l'ai
serrée au cou et je lui ai porté plusieurs coups de couteau. Comme je l'ai déjà dit, ce
couteau, je l'ai sorti de la poche de mon pantalon. Tout s'est passé très vite. Je ne me
contrôlais plus. J'étais affolé. Pire que ça. Je n'étais plus moi.
Je sais que ce que j'ai fait est affreux, mais je ne peux absolument pas expliquer mon
geste. Je réaffirme que, si j'ai agi de la sorte, ce n'est pas parce que j'aurais commis
des violences d'ordre sexuel sur la petite comme on pourrait le supposer.
Je réaffirme que mes intentions étaient honnêtes quand j'ai pris l'enfant. Je n'ai commis
aucun attouchement sur sa personne. Je ne lui ai pas fait procéder à des attouchements
sur ma personne. J'ai emmené la petite fille se promener avec moi par sympathie. Je
n'ai demandé aucune autorisation aux parents parce que je comptais seulement
emmener l'enfant faire un petit tour. Si j'ai fait faire plusieurs kilomètres à l'enfant à bord
de ma voiture, c'est parce qu'elle était contente de se trouver en voiture.
Une fois l'enfant égorgée, je l'ai abandonnée sur le talus après l'avoir recouverte de
branchages. J'affirme, ou plus exactement je ne me souviens pas d'avoir frappé sur le
crâne de l'enfant avec une pierre. Par contre, je me souviens d'avoir fortement secoué la
fillette avec une main, il est possible qu'elle se soit cognée contre le sol au moment où
je l'ai secouée, alors qu'elle était allongée par terre.
Presque immédiatement après avoir égorgé l'enfant, j'ai rejoint mon véhicule. J'ai
poursuivi ma route et à un moment donné, je me suis engagé sur un chemin situé sur la
droite de la route. A un moment donné, j'ai enlevé une barre de fer qui me barrait le
passage. Un peu plus loin, je me suis arrêté et j'ai jeté le couteau * avec lequel j'avais
porté des coups à l'enfant, j'ai donné un coup de pied au couteau, ce qui a eu pour effet
d'enfouir le dit couteau dans la tourbe qui se trouvait à cet endroit.
Je suis remonté à bord de mon véhicule avec l'intention de rejoindre l'entrée d'une
galerie se situant à cet endroit pour réparer mon véhicule endommagé par l'accident. J'ai
dérapé, je me suis retrouvé au fond de la galerie. J'ai longtemps essayé de sortir de
cette galerie. Mais n'y parvenant pas après avoir essayé plusieurs systèmes, au bout de
plusieurs heures après la mort de l'enfant, je suis allé chercher du secours. Deux
hommes sont venus m'aider.
Je ne sais plus si c'est après avoir porté des coups à l'enfant, mes mains étaient
tachées de sang. En tout cas, j'ai coupé des branchages. J'ai utilisé de la tourbe pour
essayer de dégager mon véhicule. J'ai procédé à tellement d'opérations après les faits
que même si mes mains avaient été tachées de sang, ces taches auraient disparu. On
m'a dit qu'un pull-over rouge avait été découvert à proximité du lieu où mon véhicule
s'est arrêté, j'affirme que ce pull-over ne m'appartient pas.
En résumé, je reconnais avoir pris l'enfant sans prévenir qui que ce soit après avoir
éloigné le petit garçon se trouvant avec elle. Je reconnais avoir porté des coups de
couteau à l'enfant, l'avoir recouverte de branchages après avoir constaté qu'elle était
morte. Je réaffirme que, je ne peux absolument pas expliquer ce que j'ai fait. Je réaffirme
que je n'avais pas de mauvaises intentions lorsque j'ai pris l'enfant et qu'elle n'a subi
aucune violence de caractère sexuel de ma part."
Pendant son audition en garde à vue, il a dessiné un croquis du lieu de l'enlèvement
(document visible sur le site www.dossierranucci.org).
CHRONOLOGIE DE LA DECOUVERTE DU COUTEAU LE 6 JUIN 1974 :
17h30 :aux environs de la champignonière : début des recherches du couteau. Le
capitaine Gras est en liaison avec la police de Marseille par radiotéléphone. A ce
moment, la police, qui a reçu les aveux de Ranucci, connaît l'endroit où devrait se
trouver le couteau (cd P.V d'audition des aveux ci-dessus : dans la tourbe qui se trouve
sur une place le long de la galerie conduisant à la champignonière).
Le capitaine Gras est équipé d'un détecteur de métaux. Après 1h55 de recherches, il
trouve le couteau dans la tourbe, là où avait indiqué Christian Ranucci.
Voici le P.V de découverte du couteau rédigé par le capitaine Gras :
"Situation des lieux: Le lieu est situé en bordure du chemin conduisant à la
champignonnière et à 100 mètres de l'entrée.
Description des lieux: Il s'agit d'un terre-plein recouvert de fumier en tas. Ce fumier en
partie séché est assez dur. Sa répartition sur le sol ressemble à un croissant dont les
deux branches se trouvent à l'est et à l'ouest et l'ouverture entre les extrémités au nord.
Au centre de ce croissant une mare de purin stagne.
Au-delà de la partie est de ce croissant se trouvent de la brousaille, des arbres. La partie
ouest du croissant est limitée par le chemin de terre conduisant à la champignonnière.
Recherches et découverte du couteau: le 6 juin 1974, suivant les instructions reçues,
nous recherchons le couteau ayant servi à Ranucci pour perpétrer son crime.
A l'aide d'un appareil de détection électromagnétique nous décelons un objet métallique
dans la partie nord-est de la partie est du tas de fumier. A cet endroit précis le fumier est
dur. Avec précaution et après avoir creusé sur 20 cm de profondeur, nous découvrons
l'extrémité métallique arrière d'un manche de couteau dont la lame est rentrée dans le dit
manche. Ce couteau est fiché perpendiculairement par rapport au plan formé par la
surface du tas de fumier.
Nous situons l'endroit à 18,20 mètres du mur nord-est d'une construction en agglomérés
et à 19,70 mètres du coin sud-est alors que 10,75 mètres séparent ce couteau du
prolongement du mur ouest de ladite construction.
Dès ces opérations terminées à l'aide d'une pince fine, nous retirons ce couteau du
fumier avec une difficulté certaine. A l'aide d'une loupe nous examinons attentivement ce
couteau. Aucune empreinte n'est découverte sur le manche et ce, vraissemblablement,
en raison du frottement lors de la pénétration dans le fumier et également en raison de
l'humidité. Nous actionnons avec précaution le système d'ouverture de la lame. Celle-ci
sort et nous constatons qu'en outre les débris de fumier des taches de sang sont
visibles sur la lame.
Ce couteau mesure: fermé: 12,5 cm - ouvert: 22 cm."
"Ce couteau est saisi et placé sous scellé découvert n°8. Il sera remis à Mlle le juge
d'instruction.
Tous les scellés ont été remis suivants bordereaux d'envoi n°226/2.R et 227/2.R aux
services du SRPJ sûreté urbaine de Marseille.
Fait et clos à Aubagne, le 8 juin 1974."
Le 24 juin 1974 : reconstitution
(extraits du Provençal du 25/6/1974)
" la route étroite et sinueuse qui déroule son ruban d'asphalte vers la Bouilladisse était,
hier, investie dès 10 heures du matin, par une cinquantaine de gendarmes de Gréasque
et d'Aubagne. On craignait, a-t-on pu comprendre, des réactions imprévisibles et
violentes : d'où la mise en place d'un tel service d'ordre.
Transporté dans un fourgon blindé, vêtu d'une chemise rayée, et d'un pantalon beige,
Christian Ranucci était entouré par 5 ou 6 policiers. [...]
Un point important restait à éclaircir. En effet, la petite Marie-Dolorès aurait dit : j'ai faim,
ramenez moi chez moi. D'accord, aurait-il répondu selon ses propres déclarations. [...] A
la suite de cet accident, sa voiture ayant été renvoyé en direction de la Bouilladisse, il
avait donc pris la fuite poursuivi par les époux Aubert. Là, il y a une zone d'ombre du
dossier qu'on comprend assez mal. Ranucci a stoppé son véhicule au bord de la route,
au pied de la colline Jean-Louis, et s'est enfui avec la petite dans les broussailles.
D'après les déclarations des époux Aubert, ils devaient eux-mêmes être assez près de
Ranucci, puisque Madame Aubert a entendu la petite fille qui disait : " Où me
conduisez-vous ? " [...]
L'endroit précis où l'on a trouvé le corps de Marie-Dolorès est à une vingtaine de mètres
de la route. [...]
Qu'ont fait les époux Aubert qui pouvaient, selon eux, parler à Ranucci ? Il semble que la
reconstitution n'ait pas fait la lumière sur ce point. "
Le Provençal écrit alors qu'on en saura surement plus au procès d'Assises, quand les
avocats les interrogeront sur ce point.
" Sur les lieux, lorsqu'on lui démontre une évidence, il dit : " c'est possible ", mais il
continue à ne se souvenir de rien. Même lorsqu'on lui montre des photos de
Marie-Dolorès en lui disant : ça pourrait peut-être vous aider.
Il a montré l'endroit où il avait jeté le couteau avec lequel il a frappé sa victime, mais il
ne se souvient plus, et c'est important, s'il l'a pris dans sa voiture ou s'il l'avait dans sa
poche. "
Par contre, aucune reconstitution n'a été effectuée à la Cité Saint-Agnès, sur les lieux de
l'enlèvement.
Précision : les policiers et la juge d'instruction en compagnie de l'inculpé sont bien
passés par la Cité Saint-agnès, mais ils n'ont pas jugé nécessaire (ou opportun) de faire
une reconstitution précise de l'enlèvement. Ils ont donc continué la route qu'aurait suivi
le ravisseur, par la N8 bis, jusqu'au Carrefour la Pomme.
DOSSIER DE LA PRESSE REGIONALE
LE 4 juin 1974 (relatant les fait du 3 juin, le jour de l'enlèvement)
Le provençal :
Ce journal situe l'heure de l'enlèvement de Marie-Dolorès à 11h15, en fonction des déclarations de Pierre Rambla, qui d'après le journal est en congé maladie. Ce dernier fournit un témoignage intéressant au journaliste :
"Marie et Jean sont donc sortis vers 11 heures moins le quart. ils sont tout de suite allés vers l'entrée des H.L.M. espérant trouver des copains pour jouer. Ils n'en ont pas eu le temps car tout de suite un homme est intervenu. Je peux vous donner tous les détails que m'a rapportés mon petit Jean. Mon garçonnet, malgré ses six ans, est trés éveillé et sait fort bien ce qu'il dit.
Jean a donc vu arriver depuis la rocade du jarret une voiture de couleur grise. Comme il connaît bien les autos, il m'a affirmé que c'était une simca.
L'inconnu a stoppé immédiatement près de mes enfants. Il est descendu de son siège en disant : je recherche mon chien noir qui s'est égaré. Et, s'adressant directement à mon garçon, il lui a demandé de faire le tour du pâté d'immeubles pour essayer de retrouver l'animal.
Jean, qui est très gentil et qui aime les bêtes, n'a pas hésité à partir à la recherche du chien. Quand il est revenu quelques minutes après, Marie-Dolorès n'était plus là. L'homme et sa voiture non plus. "
Le journaliste affirme alors que Jean est revenu à l'appartement familial pour dire à son père : "Je recherche Marie-Dolorès et ne la retrouve plus. Elle était comme moi à la recherche du chien noir d'un homme que je ne connais pas.Je me demande bien où elle peut se trouver."
Monsieur Rambla continue son témoignage :
"Je suis sorti immédiatement et j'ai fait une tournée rapide pour inspecter les diverses rues de la cité. Tout cela a été vain. Je n'ai pu retrouver ma fille.
Quelques minutes après, je me suis donc rendu au poste de police du quartier des Chartreux pour signaler la disparition de ma petite fille. Il m'a été gentiment conseillé de patienter car on pouvait encore supposer à ce moment-là qu'elle pouvait revenir à la maison. Mais tout au début de l'après-midi et comme on me l'avait suggéré, je suis donc allé cette fois à l'hôtel de police."
Après, le petit Jean indique au journalistes le signalement du ravisseur :
"Le monsieur était jeune. Il était bien habillé. Quand il est descendu de sa voiture, j'ai vu qu'il était grand. Sa voiture était une simca. La couleur était grise."
il dit qu'il n'avait jamais vu cet homme avant.
"Il était gentil et je croyais qu'il avait perdu son chien. Je suis tout de suite parti rechercher le chien noir quand il me l'a demandé."
Le méridional
Extraits :
Comment ce drame s'est déroulé ?
Il n'était pas loin de 11 h, Mme Rambla était affairée dans la cuisine. Son mari, en congé de maladie, vaquait dans l'appartement, surveillant les jumeaux.
Jean et Marie-Dolorès étaient dehors.
C'est le père qui parle : "Vous voyez là, il y a un jardin, des escaliers qui descendent rue Albe. De la fenêtre de la salle à manger, on pouvait les voir. Marie-Dolorès voulait cueillir des fleurs pour mettre sur la table à midi. Pour faire plaisir à sa mère. Elle a eu huit ans vendredi. On a fait une petite fête. Elle était heureuse comme tout. Et pour nous remercier, elle avait dit qu'elle nous ferait une surprise à midi. Je savais que la surprise, c'était des fleurs...
C'est Jean qui est entré en courant en disant : Maria, elle est plus là, le Monsieur non plus. Ils cherchent le petit chien. Je ne les retrouve plus..."
(Le journaliste écrit alors que le père et la mère sont descendus pour chercher la petite. Ne la trouvant nulle part, ils ont déclaré la disparition a 13 heures.)
Puis ils écrivent ce que leur a dit Jean :
"On était en bas, sur le trottoir de la rue Albe. Un monsieur est descendu de voiture, c'était une grise, je crois une Simca. Le Monsieur était jeune, bien habillé, grand. Il nous a dit qu'il avait perdu son petit chien noir dans le quartier et si on voulait l'aider à le retrouver. On a dit oui. Je suis parti d'un côté, Maria et le Monsieur de l'autre.
Au bout d'un moment, je suis revenu, il n'y avait plus de voiture. J'ai cherché ma soeur et le Monsieur. Et j'ai vite couru chez moi..."
La marseillaise
Extrait :
Grâce aux précieux détails qu'a donnés le petit garçon, les enquêteurs ont peu reconstituer les faits.
Il était environ 11 heures, un inconnu s'est approché des deux enfants et leur a dit : N'avez-vous pas vu un chien noir ?
Puis, s'adressant à Jean, a ajouté : Veux-tu m'aider à le retrouver ?
L'inconnu prit alors la fillette par la main, puis dit au garçonnet de chercher de son côté dans le sens opposé des allées du parc. Lorsque, quelques instants plus tard, le petit Jean revint à son point de départ, il ne trouva plus ni sa soeur, ni l'inconnu.
[...]
Malgré ses 6 ans, Jean a pu donner un signalement assez précis du ravisseur :
Il s'agirait d'un individu de grande taille, jeune et bien vêtu, et qui était arrivé dans une voiture grise. Le petit jean a pu en outre indiquer que cette voiture ressemblait à une simca 1100.
[...]
Le père de Marie-dolorès est attérré. Il ne comprend pas pourquoi on a enlevé sa petite fille. A nouveau, il raconte : "il était onze heure dix à peu prés, j'arrivais de faire quelques courses et j'ai vu Jean qui courait devant la maison. Je lui ai alors demandé où il allait ? Il m'a répondu : Je cherche Marie qui est partie à la recherche d'un chien noir. Ensemble, nous l'avons cherché, mais nous n'avons pu la retrouver. J'ai alors interrogé Jean et je suis allé au poste de police qui m'a envoyé à l'Evêché."
LA PRESSE DU 5 JUIN (relatant les faits du 4 juin)
Le provençal du 5 juin 1974
Le journal indique que l'affaire est supervisée par le commissaire Cubaynes et que les investissements sont dirigés par le commissaire Alessandra.
Le sadique, affirme le journaliste, a agi de sang froid, le prétexte du chien noir prouvant qu'il avait imaginé le scénario.
L'inspecteur Porte s'est rendu à la cité Saint-Agnès pour essayer de trouver le moindre indice.
"Sur un coup de téléphone, ils ont fait un rapprochement entre le rapt de Marie-Dolorès et les agissements de plusieurs individus douteux signalés dans un secteur assez proche de la rocade du Jarret.
Sur les lieux, ils ont rencontré les parents de deux soeurs âgés de 8 et 10 ans, habitant le 10ème arrondissement et sur lesquelles un individu aurait tenté des attouchements. Tout ceci n'a été que parallèle à l'enquête. Ces toutes premières investigations n'ont débouché sur une quelconque piste."
Le journaliste raconte qu'on a montré au petit Jean quelques photos de satyres, et autres pervers mais il n'a reconnu aucun d'eux en la personne du ravisseur.
Il précise en outre que l'enfant "est l'unique témoin du drame".
Son père témoigne :
"Il a confirmé que l'homme ayant enlevé marie était jeune, bien habillé et de grande taille. Il a enfin pu convaincre les policiers que c'était bien dans une simca grise que sa soeur était partie !"
Le journal parle après des fouilles dans les environs qui n'ont rien donné. Enfin, il précise que Mlle Di Marino, juge d'instruction, a été saisi du dossier.
Le soir du 5 juin 1974
Deux suspects
Le journal indique qu'on a appréhendés deux suspects : un exhibitionniste en fin de matinée, dans le 15ème arrondissement à saint-Louis, qui agissait devant une école communale. Le journaliste précise que cet homme est propriétaire d'une Simca de couleur grise. comme celle décrit par le petit Jean Rambla. Un autre individu a également été appréhendé (aucune autre précision), mais ces deux suspects ont été relâchés car ils ne correspondent pas au signalement du ravisseur de Marie-Dolorès.
Le Méridional du 5 juin 1974
"Sous les ordres du commissaire Alessandra, les policiers ont, hier (4 juin), repris les recherches avec des moyens plus importants et un effectif plus consistant que la veille.
L'unique témoignage est celui de Jean, le petit frère. ils l'ont interrogé en présence du père, dans l'après-midi. Ils en sont arrivés à la conclusion que le gamin savait ce qu'il disait et qu'il n'affabulait point. Il sait reconnaître les marques de voiture. Les policiers lui en ont montré plusieurs. "oui c'est une simca grise..." On a montré à Jean, dans les locaux de la police des photos de déséquilibrés répertoriés [...] figurant au fichier central. On ne connait pas encore le résultat de ces investigations."
Le journaliste formule l'hypothèse qu'il se pourrait que le ravisseur soit un habitué du quartier, sachant que des coins propices existaient là pour commettre son odieux forfait.
"Les enquêteurs ont fait certains rapprochements entre l'enlèvement de Marie-Dolorès et les agissements de certains individus douteux ayant sévi dans un secteur voisin du lieu de l'enlèvement. On nous a, par ailleurs, assuré que deux jeunes filles d'une quinzaine d'années avaient été dernièrement, dans le quartier, amenées de force dans une voiture par deux individus. Elles purent s'échapper."
témoignage de voisins :
En face de cette villa, une rangée de garages (les trois garages de l'immeuble en face duquel a été enlevée marie-dolorès).
L'un d'eux sert de réserve à Monsieur Rosano, qui prépare les pizzas qu'il vendra l'après-midi sur les plages.
Il dit :
"oui, j'étais là. Je préparais mon travail. J'ai vu des gosses s'amuser. Il y avait même mes petites nièces. Je me souviens de les avoir vu courir derrière deux petits chiens blancs... Mais après leur départ, je n'ai pas fait attention. D'ailleurs, d'après ce qu'il est dit dans le journal, l'enlèvement s'est produit au pied de l'immeuble du coin. Mon camion a pizzas me cachait cet endroit..."
Monsieur Pierre Blanc, lui aussi, aurait pu voir quelque chose. Il est parti de la cité vers 11 heures et quart 11 heures et demi. Il dit :
"Je suis descendu par la route intérieure. j'ai ralenti au virage. J'ai même salué Monsieur Rosano. Les gosses jouaient en bas des escaliers. J'ai ralenti avant de couper le carrefour. Il est probable que j'ai croisé le ravisseur. Si j'avais vu la scène, je serai intervenu violemment, car je connais bien les gosses des Rambla... Ce sont mes voisins."
Enfin, le témoignage de madame Nicoux :
"Il était 11h25 quand j'ai vu les petits Rambla. Il y avait Jean et Marie-Dolorès. Je revenais de faire quelques commissions. En partant, ils étaient quatre dans le jardin : Isabelle et Frédéric Mudeni, Jean et Marie-Dolorès. Lorsque je suis revenu, ils ne restaient plus que les deux gosses du boulanger. Vos petits camarades sont partis, leur ai-je demandé. Oui, m'a répondu la petite fille, leur maman les a appelés pour partir en promenade. La petite et son frère partirent en courant. Je rentrais tranquillement chez moi."
La Marseillaise du 5 juin 1974
"De plus en plus, l'hypothèse d'un enlèvement commis par un déséquilibré ou un sadique semble prendre corps. Ainsi, l'on note que le subterfuge utilisé par le ravisseur envoyant le garçon à la recherche d'un "chien noir" afin de n'enlever que la petite fille seule, est très inquiétant et pourrait confirmer cette hypothèse." [...]
"les policiers ont bien sûr établi des rapprochements entre l'enlèvement de Marie-Dolorès et les agissements de certains individus douteux qui se seraient manifestés dans un secteur voisin. Ils ont également tenté d'idenitifer un maniaque signalé dans le quartier. Pourtant, en fin de soirée, alors qu'ils étaient pour la plupart de retour à l'hôtel de Police, les enquêteurs ne cachaient pas leur désappointement. Toutes les recherches, toutes les hypothèses de travail auxquels ils s'étaient livrés dans la journée d'hier, n'ont abouti à aucun résultat tangible."
témoignage de Monsieur Rosano :
"Nous sommes restés là de neuf heures à midi. j'ai vu des enfants jouer pas loin de moi. Non, je ne me souviens pas de la fillette, mais j'étais tellement pris par mon travail..."
Photo de Rosano
"Monsieur Rosano, le marchand de pizzas : Le rapt s'est fait à quelques pas de lui, mais tout à son travail, il n'a rien vu."
EXTRAITS DE LA PRESSE REGIONALE (journées du 5 au 8 juin 1974)
LE PROVENCAL DU 6 juin 1974
DEUX SUSPECTS MIS HORS DE CAUSE
Ainsi, en fin de matinée, des patrouilles de police réussirent à interpeller deux exhibitionnistes, l'un au quartier Saint-Louis, le second au parc borély.
L'audition de ces deux malades s'est fait aussitôt à l'Hotel de police. Elle a permis de mettre hors de cause les deux suspects qui seront seulement poursuivis pour attentat aux moeurs.
Coup de théâtre : le temoignage des époux Aubert.
Monsieur Aubert appelle le commissaire Alessandra en début d'après-midi, le 5 juin vers 13h30 :
"Lundi de pentecôte, vers 12h30, je me promenais en voiture avec mon épouse dans la région aixoise. Au croisement de la Nationale 96 et de la Rn 8 bis, près de Gréasque, j'ai assisté à une collision. Immédiatement, l'auteur de l'accident qui pilotait un coupé 204 peugeot prit la fuite.
Je me lançais dans son sillage sans hésiter. Au bout de quelques kilomètres, le coupé peugeot stoppait brutalement. Je vis alors le conducteur descendre de son siège, prendre par la main une fillette et s'engager dans la colline toute proche.
Mon épouse ne voulut pas que je poursuive à pied le chauffard. Elle redoutait une bagarre.
Je revins donc sur les lieux de l'accident pour communiquer au second automobiliste accidenté le numéro minéralogique de la 204 peugeot. Celui-ci s'en alla tout droit déposer une plainte pour délit de fuite à la brigade de gendarmerie de Gréasque.
C'est seulement ce matin mercredi en lisant mon quotidien que j'ai fait le rapprochement entre l'accident, la fuite du chauffard et la fillette qui l'accompagnait. J'ai pu remarquer qu'elle portait un short blanc. Sans doute y-a-t-il une liaison entre cette collision et l'enlèvement de la fillette à Marseille."
Le commissaire Alessandra se met alors en liaison avec la brigade de gendarmerie de Gréasque pour entreprendre des recherches vers le lieu de l'accident. C'est en ratissant ces collines que le corps de Marie-Dolorès est retrouvé sans vie.
"La fillette gisait dans un petit bois du lieu-dit "La pomme", commune de Peypin. Elle avait été tuée à coups de pierre. Elle avait le visage écrasé."
Depuis l'accident, on connaissait le numéro d'immatriculation du coupé Peugeot : 1369 FG 06, et on identifa facilement son propriétaire : Christian Ranucci.
"A 18 heures, il était interpellé par les gendarmes au moment où il arrivait à son domicile."
En fin de soirée, il était ramené par le commissaire Alessandra de Nice à l'hôtel de Police de Marseille : il devenait le suspect numéro 1, et était placé en garde en vue.
"A deux heures du matin, le suspect numéro 1 est arrivé à l'Hôtel de Police... On connaitra le résultat de cette audition seulement ce matin.
... Monsieur Aubert [...] est affirmatif : quand il est sorti de son coupé Peugeot, il a emmené avec lui en la tenant par la main une fillette vêtue d'un short blanc. Dans l'après-midi, lorsqu'il s'est embourbé à l'entrée d'une champignonière, l'enfant n'était plus avec lui."
Il n'y a pas de doute, Christian Ranucci est le meurtrier, affirmait le Commissaire Cubaynes.
Christian Ranucci portait des traces de griffures faites par des ronces sur le dos des mains.
"On apprenait cette nuit que, il y a un mois environ, un individu, ressemblant étrangement à Christian Ranucci, avait réussi à entraîner deux fillettes dans une cité de Saint-Loup. "Le Cerisaie" . Ce personnage, également très jeune, avait semble-t-il usé du même scénario pour amener les deux gamines à monter dans sa voiture : venez m'aider à chercher mon petit chien noir qui s'est égaré. [...] L'homme au chien noir s'était livré sur elles à des gestes répréhensibles.
Même scénario samedi dernier, deux jours donc avant l'enlèvement et l'assassinat de Marie-Dolorès, où un jeune homme d'une vingtaine d'années avait tenté en vain de convaincre deux garçonnets habitant ce quartier à le suivre pour retrouver un petit chien noir disparu."
LE PROVENCAL DU 7 Juin 1974
"Ici (lieu du découverte du corps), au hasard de notre quête, se reconstruit, bribe par bribe, l'affreux scénario. Un accident quelques centaines de mètres plus haut, Un délit de fuite. Un témoin qui rattrappe le fuyard. Celui-ci, un homme jeune, est entré dans le bois dense qui longe la route, avec un paquet volumineux sous le bras. Le témoin est retourné sur les lieux de l'accident, puis est descendu à nouveau à l'endroit où l'homme s'était arrêté. Bizarre, l'homme et sa voiture accidentée ont disparu."
Témoingage de Guazzone :
"J'ai trouvé le jeune homme dans la champignonière où Monsieur Rahou m'avait conduit. Sa voiture s'était embourbée dans le couloir menant à la mine. Je me suis demandé comment il avait pu atterrir à cet endroit qui est tout de même assez inaccessible pour une personne ne connaissant pas les lieux. Il m'a dit qu'il avait eu un petit accident, qu'il cherchait un endroit pour pique-niquer et qu'il pensait joindre l'utile à l'agréable, en redressant son aile froissée dans un endroit calme, au moment du déjeuner. Je l'ai aidé avec mon tracteur à sortir du trou, puis nous avons parlé pendant quelques minutes. Des banalités. Au retour, nous sommes passés devant la maison occupée par M. Rahou et l'homme s'y est arrêté longuement."
Madame Rahou :
"Il est arrivé par le fond du chemin. Il avait l'air parfaitement honnête. Il m'a raconté qu'il était bloqué depuis 11 heures du matin sur la route, en bas, à cause de son accident. Je lui ai proposé alors une tasse de thé qu'il a accepté avec empressement. Il n'était pas du tout nerveux. Puis, il est reparti en nous remerciant."
Confrontation de Christian Ranucci avec Jean Rambla :
"Ce face à face fut pathétique. Le garçonnet hésita longtemps mais ne reconnut pas Ranucci comme étant l'automobiliste ayant enlevé sa soeur Maria."
Peu après, dans la cour, pour essayer de reconnaître la voiture du ravisseur :
"Là encore, il se trompa. Il ne reconnut pas le coupé peugeot 304 de couleur grise qui se trouvait là et qui aurait été mené de Nice pour vérifications."
témoignage des Aubert :
"On sait que le témoignage de M. Aubert fut capital pour l'enquête puisqu'il permit de découvrir mercredi après-midi le corps de Marie-Dolorès et l'identification de Christian Ranucci."
L'intervention de Madame Aubert hier (6 juin) dans les locaux de la police a été capitale. Mise en présence du conducteur de la 304 peugeot, elle le reconnut formellement :
"C'est bien vous que j'ai vu. Non seulement je vous reconnais, mais je peux affirmer que vous avez forcé une fillette vêtue d'un short blanc et d'une chemisette blanche à descendre de votre voiture. Vous l'avez tirée par le bras pour l'entraîner loin de la route. J'ai entendu les paroles de la fillette. Je les ai gravées dans ma mémoire et je peux vous les répéter. Elle vous a dit : Où va-t-on ? Qu'est-ce qu'on fait ? Qu'allez-vous faire de moi !"
Dès cet instant, le suspect balbutie des phrases incohérentes pour craquer très vite. Christian Ranucci passe aux aveux.
Docteur Vuillet :
Marie-Dolorès a été tuée à coups de plusieurs coups de couteau à la gorge, puis achevée à coups de pierre. La pierre ensanglantée a été récupétée près du corps. Le meurtre a donc eu lieu alors que les époux Aubert se trouvaient à 100 mètres de là, c'est à dire au moment où ils faisaient demi-tour pour rejoindre M. Martinez. M. Vuillet a précisé que la fillette s'était défendu faiblement : il semble bien qu'elle avait pu être mise en condition psychologique par son ravisseur.
Fouille de la 304 :
On a découvert dans le coffre un martinet à longues lanières de cuir avec dragonne, "ce qui est un instrument habituellement utilisé par les sadiques pour la flagellation."
Mais la plus importante trouvaille est celle du pantalon que portait Ranucci lundi dernier. Il est souillé de plusieurs tâches de sang.
Enfin, une touffe de cheveux bruns courts a pu être récupérée sur les coussins du coupé Peugeot. Ils ont été confiés pour expertise au laboratoire de la police.
Entretien avec Madame Mathon (mère de Christian Ranucci) - extraits :
Journaliste : Son caractère ?
Mme Mathon : Tout ce qu'il y a de plus normal. Christian est un être très ouvert, qui adore la compagnie des autres. Il refuse la solitude. Cette petite fille, je suis sûre qu'il l'a amenée pour se promener avec elle, pour ne pas être seul. A Marseille, j'ai une amie qui a de nombreuses petites filles dont il adore la compagnie et avec lesquelles il passe des heures à jouer au loto.
Journaliste : sur le plan travail ?
Mme Mathon : Il ne travaille que depuis un moi. Il vient à peine de terminer son service militaire. mais est très satisfait de sa place de représentants en appareils ménagers. Au fait, croyez-vous que cette histoire va lui faire perdre son emploi ?
Journaliste : Ses distractions ?
Mme Mathon : Tout ce qu'il y a de plus normal également. Il a eu quelques flirts, comme tous les jeunes gens de son âge. Il adore aller à la plage l'été. L'hiver, c'est le ski qui l'intéresse. Il aime énormément le cinéma, les westerns surtout. Mais sa grande passion, ce sont les animaux. Il y a quelques années, l'un de nos chats, Mickey, s'est cassé la patte. C'est lui qui l'a soigné, allant jusqu'à lui faire des sortes de plâtrage avec des planchettes qu'il avait ajusté au niveau de la fracture.
Journaliste : Qu'a-t-il mangé ? (en arrivant lundi soir)
Mme Mathon : Du jambon, u steak, des tomates à la provençale, du fromage, un dessert.
J : Et après, il est sorti, il est allé se coucher ?
M : Non, il a regardé la télé avec moi.
J : Quelle émission ?
M : Un film : hold-up extraordinaire, je crois.
J : Le lendemain ?
M : Il est allé à son travail après avoir pris soin de relever toutes les adresses des clients qu'il devait visiter.
Conclusion du journaliste :
"Il a mangé de bon appétit, il a regardé la télévision, il est allé à son travail. Mais quel monstre d'insensibilié est-il donc ?"
Le provençal du 8 juin :
"l'arme utilisée par Ranucci a pu être également découverte. Sur les indications précises fournies par le meurtrier, les gendarmes ont récupéré à l'entrée de la champignonière de Gréasque, un petit couteau de poche à lame unique et cran d'arrêt. La lame était tâchée de sang. Ranucci a indiqué avoir jeté le couteau en partant de la champignonière où il avait embourbé son coupé 304 dans sa précipitation à s'éloigner du bois où il avait poignardé et lapidé la fillette. Il s'était delesté de cette terrible pièce compromettante lorsque Monsieur Guerabo (NDLR : M. guazzano) exploitant la champignonière, l'avait aidé à dégager sa voiture."
Le méridional du 6 juin 1974
Témoignage des Aubert :
Après avoir pris en chasse le coupé Peugeot et vu le conducteur détalé dans les fourrés, Monsieur lui a crié :
"Monsieur ! Monsieur ! ce n'est rien. Il n'y a que des tôles froissées. Il suffit de faire une déclaration d'assurance. Allons, monsieur, ce n'est pas une histoire... seulement des toles froissées." Comme l'homme ne lui répondit pas, il repartir en grommelant contre les conducteurs du dimanche.
"J'ai vu, devait-il dire plus tard aux gendarmes d'Aubagne, l'homme sortir de sa 304 grise. Il tenait dans ses bras une forme blanche. J'ai cru qu'il s'agissait d'un paquet dont il voulait se débarrasser en cachette. Mais jamais je ne me serais douté qu'il s'agissait d'un enfant ! D'ailleurs, j'interpelais l'homme plusieurs fois."
M. guazzone :
"L'homme était élégant, sympathique. Il parlait fort et riait." (NDLR : M. guazzone et M. rahou ont aidé Christian Ranucci à se désembourber de la champignonière).
"Cet homme était très déonctracté. Il nous a dit qu'il était victime d'un chauffard." Christian Ranucci raconte aux gars de la champignonière (M. Rahou et M. Guazzone) : "Je suis venu pique-niquer chez vous. Je me suis embourbé, vous ne pouvez pas me dépanner ?"
"Il était souriant, dit M. guazzano, il plaisantait en me disant qu'il faisait beau, que la vie était belle. j'étais à cent lieues de me douter que cet homme était un assassin...qu'à quelques mètres de là, il venait de tuer une petite fille. Vous vous rendez compte, conclut ce brave homme, Je l'ai aidé à tirer sa voiture, de la glissière de boue, j'ai décabossé son aile et il m'a serré la main en me disant : A bientôt ! J'ai serré la main d'un assassin... "
Car comme tout le monde, M. Guazzano a lu les journaux.
Il ajoute : "On parlait d'une simca 1000, d'un homme élégant, mais je n'ai pas pensé qu'il s'agissait de mon touriste."
(NDLR : j'ai l'habitude dans mes extraits de raconter uniquement ce qu'on dit les journalistes. Je ferai une exception pour le témoignage très surprenant de Madame Martinez, et que je cite ci-après. Soit Madame Martinez a raconté n'importe quoi, soit les journaliste en ont rajouté en confondant les témoignages de Madame Aubert et celui de Madame Martinez. Vous en jugerez par vous mêmes)
Témoignage de Madame Martinez :
"C'était donc elle, l'enfant enlevée ? Ah, ça alors !" dit-elle aux journalistes. Elle poursuit :
"Près de Gréasque, tandis qu'on roulait, une andouille nous a doublés en roulant à vive allure. Il a grillé un stop en provoquant un accident, a fait un tête-à-queue, puis s'est immobilisé. Ensuite, j'ai vu un homme sortir de la voiture (une 304 peugeot) en tenant une enfant par les mains. Je n'ai pas bien vu cet enfant. Dans la voiture, il m'a semblé reconnaître un garçon. Et puis, le gars et l'enfant se sont dirigés vers une colline. Mon mari, qui était coincé sur son siège, n'a pu sortir de la voiture pour courir après eux."
Témoignage de Mme Aubert (les journalistes disent que son témoignage est plus précis que celui de Madame Martinez (sic et resic !)
"Selon Madame Aubert, c'est au bout de 2 kilomètres qu'il s'est arrêté, suivi par le véhicule de M. Aubert. "Mon mari lui a dit de retourner au lieu de l'accident. Il l'a rassuré en lui indiquant que cet accident n'était pas grave. Mais ce monsieur a refusé de le suivre. Alors, on a relevé le numéro de la plaque arrière, qui terminait par un 06, et on est allé prévenir les gendarmes."
Selon Madame Aubert, l'enfant n'était pas assis à l'avant de la voiture, mais à l'arrière. Quand il est sorti, l'individu s'est précipité vers la portière arrière droite. D'un geste brusque et rapide, il a sorti l'enfant, l'a pris dans ses bras, et a couru dans la colline."
Les journaliste concluent : "c'est là-bas que Marie-dolorès a été tuée".
Le méridional du 7 juin 1974
Aveux de Christian Ranucci :
"Je ne suis pas un salaud, non monsieur le commissaire, ne croyez pas que j'ai tué par plaisir. Je ne suis ni un salaud ni un sadique. Je suis un homme, un vrai. Pas un impuissant. J'ai tué la petite Marie-Dolorès, c'est vrai. Mais je ne voulais pas. Croyez moi, monsieur le commissaire, je ne suis pas un salaud."
Au départ, Christian niait toute implication, mais "au fil des heures, les preuves s'accumulaient. Les services spécialisés de la police fouillaient la 304 grise. Ils découvraient d'abord une touffe de cheveux. Rapidement, l'analyse concluait qu'il s'agissait des cheveux de Marie-Dolorès. Dans la malle, les enquêteurs trouvaient un pantalon, un chandail, une chemise. Tous ces vêtements étaient souillés de boue et de sang. Là encore, le laboratoire confirmait les soupçons : c'était le sang de la petite Marie-Dolorès. Dans le fond de la malle se trouvaient encore un peignoir, un parapluie, et un martinet à longues lanières."
On présente alors Christian Ranucci à Jean Rambla, entre deux policiers. Jean se "balança d'une jambe sur l'autre... il secoua la tête de gauche à droite : Non, le monsieur n'est pas là..."
Aussitôt, il fut amené dans la cour de l'hôtel de police, où des voitures étaient alignés autour de la 304 grise.
"tu reconnais la voiture du monsieur, lui demanda le commissaire Alessandra. Sans hésitation, le petit Jean se dirigea vers une Ford Capri beige : La voilà.
Consternés, les policiers se regardèrent sans un mot."
"Pourtant, je suis sûr que c'est lui, affirme l'inspecteur Porte.
Le matin, il a convoqué 4 ou 5 gosses qui ont été accostés ces derniers jours par des déséquilibrés. Aucun d'entre eux ne reconnait Christian Ranucci."
M. et Madame Aubert arrivent alors à l'hôtel de Police.
"Il ne faut pas longtemps à Madame Aubert pour reconnaître Christian Ranucci. Il a beau être décontracté, assis à une table, elle pointe son index vers lui." Elle dit alors :
"Je le reconnais, c'est lui. Il avait la petite à la main. Quand mon mari l'a interpellé, il ne s'est pas retourné. Nous sommes descendus de la voiture. Et j'ai parfaitement entendu lorsque la gosse lui a dit : Ne me touchez pas, où va-t-on ? Qu'est-ce que vous allez faire de moi...
Jamais nous n'avons pensé qu'il s'agissait d'un sadique, d'un criminel. Mon mari a encore appelé une fois et nous n'avons rien entendu. Alors, nous sommes repartis. Mais c'est bien lui. Je ne peux pas me tromper."
Maintenant, Ranucci s'effondre : "oui c'est moi ! je ne voulais pas la tuer, je ne suis pas un salaud."
Il raconte comment il a croisé les deux enfants : "Je passais devant la cité Saint-Agnès. Des gosses jouaient. Il jouait avec des chiens. La petite fille s'approcha de moi et demanda si je n'avais pas vu un chien noir. Je lui répondis que non, mais que j'allais le chercher avec elle. Nous partîmes ensemble ... Veux-tu venir avec moi faire une promenade en auto, lui demandai-je.
- Il faut que nous soyons de retour à midi.
- D'accord."
témoignage du commissaire Alessandra (extraits):
"L'intéressé avait un système de défense qui était assez puérile. Il déclarait qu'il était bien l'auteur de l'accident matériel de la circulation et du délit de fuite qui s'ensuivit, mais il disait ceci : j'étais seul au volant de ma voiture, et jamais, au grand jamais, une fillette se trouvait à bord de mon véhicule. Aucun témoin ne pourra prouver le contraire parce que ça n'est pas vrai...j'étais seul.
Or, ce matin, nous avons pu identifier et faire venir à Marseille deux personnes qui avaient assisté à la scène et qui ont pu apporter des précisions extrêmement intéressantes. Ce couple avait vu l'intéressé prendre la fuite dans les collines en entrainant avec lui une fillette. D'ailleurs, Madame Aubert est sur ce point formelle, elle a entendu la petite Marie-Dolorès crier au ravisseur : Mais où allons-nous, que voulez-vous faire, pourquoi me poussez-vous !
Lorsque nous avons procédé à la confrontation de l'interessé avec les époux Aubert, il se révélait avec beaucoup d'évidence, que Christian Ranucci était bien accompagné d'une fillette qu'il entrainait dans la colline.
Le témoignage des époux Aubert a été capital, irréfutable. L'assassin, dans un premier temps, a été tellement surpris d'être confronté avec ces personnes qu'il n'osait plus nier les faits. Il s'est contenté de dire : je ne me souviens plus de rien ! et petit à petit, il a fini par reconnaître la réalité. [...] Il est certainement venu à Marseille dans un but mal établi."
Commissaire Cubaynes :
"Le commissaire Alessandra a effectué un travail extrêmement sérieux et solide. Il n'a ménagé ni son temps, ni sa peine. Je crois que dans toute réussite d'une affaire judiciaire, il y a une part de chance, une part importante de travail et de volonté. C'est le mélange de tout qui fait le succés. Pour nous, c'était un problème grave car nous avions le sentiment profond que la population marseillaise avait été trés touchée. Nous voulions mettre fin à cette crainte."
Autopsie :
"le docteur Vuillet a procédé à l'autopsie de la malheureuse petite Marie-Dolorès :
- la petite fille n'a pas été violentée.
- Elle a été etranglée et ensuite son assassin s'est acharnée sur elle, la frappant à la gorge de dix coups de couteau à cran d'arrêt.
- Il l'a également frappée à la tête avec une grosse pierre.
Signalons que le couteau n'a pas été retrouvé par les enquêteurs. L'assassin se borne à dire qu'il l'avait jeté après son crime."
Le méridional du 8 juin 1974
"Dans l'après-midi d'hier, M. Alessandra le commissaire qui a mené toute l'enquête, présentait une nouvelle pièce à conviction : le couteau dont s'est servi le meurtrier. C'est à la suite des indications qu'il avait données aux policiers jeudi, au cours de son interrogatoire, que des recherches ont été entreprises. Elles aboutirent à la découverte de l'arme."
A l'enterrement de la petite, il y a plusieurs témoins, notamment M. Martinez et M. et Mme Aubert. Le journaliste revient sur le témoignage de ces derniers. M. Aubert entendit la petite dire "où va-t-on ? M. Aubert explique : "la petite n'avait pas du tout l'air effarouchée ni apeurée. L'homme n'a pas répondu à nos appels. Aussi avons-nous cru qu'il s'agissait d'un père et de sa fillette."
La marseillaise du 6 juin 1974
En entrée en mpatière de son article, le journaliste précise :
"De nombreux points demeurent à préciser : l'instruction en cours et l'enquête menée par les policiers marseillais les éclaireront sûrement."
(NDLR : sic et resic !!)
12h30 : Accident avec M. Martinez et poursuite de Ranucci par les Aubert
Bien que parvenu avec un certain retard sur le lieu de l'accident, M. Aubert se met en chasse du coupé Peugeot.
"Ce dernier (Ranucci) s'était-il aperçu de la poursuite ? c'est un point important qui reste à élucider car il est important pour comprendre alors ce qui va se passer. Parvenu non loin du lieu où fut découvert le cadavre de la petite fille, M. Aubert verra alors le véhicule portant l'immatriculation des Alpes-maritimes arrêté sur le bas côté de la route en direction de Marseille. Le conducteur, un homme jeune d'apparence, s'enfonçait dans les taillis , semblant tirer ou trainer de son véhicule "une sorte de colis", précisera M. Aubert. Il disparut très vite de la vue de ce dernier qui, étant assez loin, n'avait pu en voir davantage."
Parvenu plus près, M. Aubert l'interpellera sans le voir : "Revenez monsieur, ce n'est pas grave, vous n'avez occasionné que des dégâts matériels sans gravité." Personne ne répondra.
"Cet 'étrange colis' qu'il trainait avec lui dans les taillis qui bordent la route nationale était certainement la malheureuse enfant elle-même".
"c'est là, alors que peut-être les appels de M. Aubert lui parvenaient encore, que le tueur fou, saissant une pierre, allait écraser le visage de la maheureuse petite fille."
Entretien avec le commissaire Jacques Cubaynes (extraits)
Q : a-t-il avoué ?
J.C. : Il reconnait la tentative de fuite, mais nie être à l'origine de l'enlèvement. Dès son arrivée cette nuit à l'Evêché, nous commencerons à l'interroger. Toutefois, à partir du moment où il reconnait avoir pris la fuite, le reste coule de source...
Q : Son signalement correspond-il à celui donné par Jean, le frère de Marie-Dolorès et seul témoin du rapt ?
J.C. : Oui, assez précisément. Mais nous avons peut-être d'autres témoins. Ainsi, il y a un mois, deux fillettes étaient l'objet d'une tentative d'enlèvement à Marseille. Le signalement qu'elles donnèrent de l'individu qui les avaient abordées, correspond aussi dans les grandes lignes, à celui de Ranucci. Mais il y a plus : le motif choisi pour attirer ces deux fillettes était le même que pour la petite Marie-Dolorès : le chien noir. Vous savez, ceci vaut tous les signalements.
La corrélation que l'on peut faire entre les deux affaires semble confirmer autre chose : l'assassin a agi avec préméditation.
La Marseillaise du 7 juin 1974
Les services anthropométriques du laboratoire de police technique examinait très minutieusement le coupé 304. "Premier élément intéressant pour les spécialistes qui découvraient une mince pellicule de trace de sang sur une des vitres du véhicule. Cette trace serait expertisée en laboratoire, quelques fragments de cheveux recueillis sur les sièges étaient aussi envoyés à l'expertise. Surtout, les inspecteurs découvraient le pantalon que Christian Ranucci portait le jour de l'enlèvement. Or, celui-ci est maculé de sang. Les analyses qui ont été immédiatement entreprises révéleront s'il s'agit du sang de la petite fille."
Confrontation avec Jean Rambla
"Il ne put reconnaître le ravisseur qui avait été placé dans un groupe de policiers. Conduit dans l'hôtel de police où se trouve le coupé peugeot, il se dirigea à deux reprises vers d'autres véhicules qui bien sûr n'avaient rien à voir avec le rapt."
Les aveux de Christian Ranucci
Au départ, Christian Ranucci nie toute implication dans l'enlèvement et le meurtre de Marie-Dolorès.
"Le témoignage de Madame Aubert allait se révéler accablant pour le meurtrier."
rappel des fait : M. Aubert s'était lancé à sa poursuite et après deux kilomètres environ avait aperçu le véhicule arrêté au bord de la chaussée.
A l'hôtel de police :
"Elle (madame Aubert) devait alors dire au jeune homme qui se trouvait face à elle : Je vous reconnais. Vous êtes sorti rapidement de la voiture. Vous avez saisi brutalement une fillette avant de vous enfuir dans la colline. Je peux vous répéter les mots qu'a prononcés la petite fille : Où va-t-on ? qu'est-ce qu'on fait, qu'est-ce que vous faites de moi ? "
C'est après quinze heure d'interrogatoire que le jeune homme allait s'effondrer : "oui, c'est moi qui l'ai tué. Je ne suis pas un salaud. Je l'ai tuée dans un moment d'affollement, j'ai perdu la tête quand je me suis vu poursuivi par ces gens. Je n'avais pas l'intention de violer la petite. Je voulais simplement la promener et la ramener chez elle."
Après être passé aux aveux, le meurtrier indiquait alors l'endroit précis où il avait caché le couteau à cran d'arrêt qui a servi au crime.
Par contre, les soupçons qu'avaient les policiers concernant la participation de Ranucci à diverses tentatives d'enlèvement soit dans la région marseillaise, soit dans la région niçoise, étaient écartés au fil des heures après diverses confrontations.